27/05/2018
La Figuette... Mais pas que !
Répandu dans toute l'Europe -même si le bassin méditerranéen est son berceau de prédilection- le Figuier est très facilement reconnaissable, il n'a aucun sosie !
En France, on apprécie ses fruits frais, secs ou en confiture mais en Italie, le Figuier est avant tout un arbre médecin, réputé pour soigner le diabète (un comble ! lui qui donne des fruits si sucrés) ainsi que les crises d’asthme.
Chez nous, on utilise encore (si peu) son latex pour se débarrasser des verrues mais on voit peu ou pas d'usage en phytothérapie.
Ça tombe bien, aujourd'hui on ne va pas se soigner avec le Figuier, mais le boire en infusion légèrement alcoolisée et bien fraîche !
Ce sont les feuilles qui nous intéressent aujourd'hui !
Celles dont on sent le parfum intense à plusieurs mètres à l'aronde et si le Figuier est célèbre en Provence pour servir de parasol aux amateurs de siestes, ce n'est pas un hasard : Sa feuille est légèrement soporifique.
Voilà, je rêvais depuis longtemps de capturer le parfum de la feuille de Figuier, c'est fait, avec en cadeau une superbe couleur rose ocrée, ici un peu embuée par la condensation en sortie de frigo !
La recette est ultra fastoche, la macération est rapide, les ingrédients sont économiques.
POUR 1 LITRE DE BOISSON APÉRITIVE :
- 5 ou 6 jeunes feuilles de Figuier (elles sont petites, plus claires que les autres et se situent en bout de branche)
- 20 cl (= un petit verre) d'alcool neutre (Vodka, Gin)
- 75 cl de vin blanc ou rosé titrant au moins 12,5°
- 30 à 40 g de sucre (on en reparle plus bas)
Le choix des feuilles est déterminant.
Sachant qu'il existe de nombreuses variétés de Figuiers, recherchez avant tout des feuilles chargées de parfums ; pour cela, il suffit d'en gratouiller une et d'approcher son appendice nasal ^^
La senteur doit être flagrante... et ce n'est pas toujours le cas, donc on cherche le bon arbre pour lui subtiliser quelques feuilles, les plus jeunes, les plus chargées en sève odorante.
De retour à la maison, on portera des gants car cette fameuse sève peut être irritante pour certains épidermes et puis de toutes façons, elle colle aux doigts !
Avec gants et ciseaux, on va couper grossièrement nos feuilles afin de libérer la sève parfumée.
La macération
Dans une casserole, il faut légèrement chauffer un petit volume de vin afin que le sucre y soit dissout.
CECI EST UN DÉTAIL TRÈS IMPORTANT.
Les "distilleuses occasionnelles" se plaignent souvent que leur fabrication finale ne soit pas limpide. C'est normal, le sucre ne se dissout pas tout seul, il faut l'aider.
Si on réunit rapidement tous les ingrédients dans un récipient, le sucre restera au fond et pire, il formera un dépôt blanchâtre.
>> Donc, un verre de vin a chauffé, on y a dissout le sucre en remuant, les feuilles sont hachées, on rassemble tout ça dans un grand bocal sans oublier d'y verser l'alcool et le reste du vin puis on brasse.
On gardera à proximité une longue cuillère en bois pour remuer le mélange chaque jour ; perso, j'ai écorcé une branche de châtaignier pour cet usage.
On évite les récipients et ustensiles métalliques.
DÉLAI DE MACÉRATION :
-- Avec des très jeunes feuilles fortement odorantes, 7 jours suffisent.
-- Avec des feuilles plus adultes, il faudra compter une quinzaine de jours.
Ce sont ces sommités qu'il faut cueillir.
En fin de macération, dès que le parfum de Figuier envahit vos narines, la boisson est GOÛTÉE :
Si la saveur heurte le palais, on rajoutera du sucre, mais attention, c'est un vin apéritif, pas un vin de dessert, donc point trop n'en faut !
NE RAJOUTEZ PAS DE SUCRE BRUTALEMENT ! Comme au début, puisez un peu de liquide, chauffez-le pour y faire fondre le supplément de sucre, puis remélangez le tout.
PARFUM ET SAVEUR SONT VALIDÉS ? ON FILTRE ET ON MET EN BOUTEILLE !
Et là je vais insister un brin sur le soin voué à cette dernière étape :
- Dans l'entonnoir, on place un filtre à café mais on en prévoit facilement 6 ou 7.
- Le liquide est versé à petites doses dans le filtre ; très vite, les pores du papier sont bouchés par les impuretés résiduelles. On renouvelle le filtre autant de fois que nécessaire.
Si on ne procède pas ainsi, un dépôt disgracieux troublera la boisson.
>> Rangez la bouteille de "Figuette" au frigo et surprenez vos amis à l'apéro !!
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Et puisque nous sommes "dans" les feuilles de Figuier, je l'ai déjà montré mais je recommence : Elles sont un précieux allié pour vos barbecues :
Les poissons ne resteront plus collés à la grille ou à la plancha s'ils sont emmaillotés dans une feuille de Figuier ; de plus, les aliments y gagnent en parfum et saveur. Une grande feuille suffit pour un poisson-portion ; et bien sûr, la feuille est comestible.
LA TECHNIQUE POUR UN GROS POISSON COMME LE SAUMON FRAIS :
- Sur la table on étale d'abord des liens en ficelle de coton.
- Par dessus on superpose plusieurs feuilles (toujours saines et lavées) de façon a égaler le format du poisson.
- La bête est couchée sur ce lit vert et reçoit simplement de la fleur de sel, rien d'autre, le parfum que délivreront les feuilles est suffisamment puissant.
- Enfin, on rabat les feuilles sur le flanc du poisson, on attrape les liens que l'on noue sans trop serrer.
Même technique pour des poissons de taille moyenne. Si têtes et queues dépassent, ce n'est pas grave, on ne les consomme pas et elles ne collent pas comme leur peau.
La cuisson terminée, il suffit de "déballer" le poisson qui est intact. Le parfum qui monte à ce moment-là dans les narines est assez inouï !! J'en ai bluffé plus d'un de cette manière ^^
Adoptez la feuille de figuier pour griller vos sardines !!!
Une seule feuille par poisson, on l'enroule comme un nem, on peut piquer un cure-dent pour tenir la feuille mais ce n'est pas indispensable.
La saveur de la sardine restera dans sa chair, il y aura 80% de "mauvaises odeurs" en moins chez vos voisins !
Excellentissime !!!!
Enfin, sans barbecue, on peut aussi utiliser les feuilles de Figuier au four :
Pour cela, il faudra les plonger dans l'eau bouillante 5 minutes, ce qui les rendra souples et faciles à manipuler, exactement comme des feuilles de vigne pour les Dolmas.
Exemple ici, un pavé de viande de volaille dont on redoute la sécheresse ; il sera mariné auparavant dans une sauce de son choix avec des herbes aromatiques, puis empaqueté dans une feuille et cuit au four comme une papillote.
Il sera sage d'arroser régulièrement la feuille avec de l'eau pour qu'elle ne carbonise pas, ou alors on la protège de la résistance supérieure par une feuille d'alu.
Essayez au moins une fois le poisson en feuille de Figuier (si vous avez cet arbre à proximité), on en devient vite accro non sans ajouter que la grille du barbecue dégage une très bonne odeur et qu'elle n'a plus besoin d'être nettoyée... Alors, hein, c'pas cool ça ?!
03:42 Publié dans Alcools et Apéritifs, Figues et Figuiers, Je cueille | Lien permanent | Commentaires (26)
20/05/2018
La Troussepinette
Une note alcoolisée que m'a inspirée Jacquote il y a bien longtemps alors qu'elle évoquait un apéritif vendéen, la Troussepinette !
Si le nom fait sourire, il est resté enfoui dans ma mémoire jusqu'à dimanche dernier où j'ai parcouru un bref trajet pour changer de département et me rendre en Lozère.
Une association de bergers nous attendait pour causer Biodiversité et Pastoralisme.
Comme il faisait un froid de canard à l'heure de l'apéro, voici ce qu'un berger a sorti de sa musette :
La photo est mauvaise mais l'étiquette annonce "Apéritif d’Épine Noire". Aussitôt, je repensais à la boisson "de" Jacquote réalisée à base de prunellier sauvage, nommé localement "l'épine noire".
L'apéritif -lui- s'appelle Troussepinette en Vendée, Charente-Maritime, Poitou et Berry mais aussi simplement "Épine noire" dans d'autres régions.
Je pense que tout le monde connaît cet embrouillamini d'épines longues et acérées, porteuses en automne de baies rondes et bleues.
Il s'agit du Prunus Spinosa, ici tel qu'il est visible en automne.
Et le voici de mai à juin (suivant les régions et le climat), formant des bosquets ou des haies enneigées par des milliers de petites fleurs blanches dont les abeilles raffolent.
Le printemps est la saison idéale pour le repérer car on voit de très loin ses branches échevelées, désordonnées et immaculées.
Cette note sera inachevée puisqu'elle ne comporte pas la dernière étape : La mise en bouteille du liquide.
Je la poste simplement pour que les lectrices-promeneuses-cueilleuses puissent REPÉRER les buissons.
Attention : Le pollen des fleurs est un capteur inégalable de particules fines, il est quasi magnétique ; donc, évitez de sélectionner des prunelliers (et toute autre fleur) en bordure de route.
Pour l'anecdote, chaque année je fais ce repérage parce que je voudrais AUSSI fabriquer une boisson avec les prunelles bleues mises à fermenter. Il s'agit d'une autre recette, très différente de la Troussepinette.
Il faut attendre les premières gelées afin que les prunelles soient blettes et donc moins acres.
Seulement voilà, je ne suis pas la seule a attendre (photo ci-dessus)..... les billes bleues ont des fans aussi nombreux que goulus !
Et celles qui tombent au sol sont vite emportées par les rongeurs et les renards qui en font des réserves caloriques pour la période hivernale.
Donc, quand je ramène ma fraise vers les prunelliers, ils sont vides, il n'y a plus que bois et épines menaçantes et je rate encore ma vinification !!!
Enfin bref, faut bien que tout le monde mange...
Ci-dessus, une bouteille de Troussepinette vendéenne.
En vérité, à l'origine, on disait "trousse-épinette" ou "pousse-épinette" pour une raison majeure : Ce sont les jeunes pousses (rameaux) du prunellier qui servent à l'élaboration de l'apéritif, rameaux qui poussent au-delà des redoutables épines et qui -eux- en sont dépourvus.
A l'époque, j'avais cherché sur le web une recette de Troussepinette qui soit limpide. Hélas, je n'avais trouvé que de vagues récits imprécis, jetés comme ça tout à trac.
Mais dimanche, j'avais face à moi un pro de la Troussepinette, une vraie chance, car selon lui "cet apéritif est un patrimoine générationnel qui se respecte, se transmet et se boit obligatoirement dans un verre de cantine, le modeste Duralex des familles !!"
Comme tout fruitier (sauvage ou pas) il met les fleurs avant les feuilles.
La floraison déclenche la montée en sève, et justement, c'est cette fameuse sève qui est précieuse pour la Troussepinette !
Lorsque les fleurs tombent, des bourgeons éclatent, libérant très rapidement un nouveau feuillage vert clair.
Voilà la période précise qu'il ne faut pas rater et comme les oiseaux ne mangent pas les feuilles, tous les espoirs sont permis !
Chez moi, la transformation s'est effectuée très vite ; presque du jour au lendemain, les feuilles sont apparues.
Voilà la "cueillette"...
... et voilà les rameaux hachés qui font trempette !
Les ingrédients de la Troussepinette pour 1 litre final :
- 1 bouteille de vin au choix (blanc, rosé ou rouge) titrant au moins 12,5°
- 20 cl d'alcool pour fruits ou alcool neutre (Vodka, Gin)
- 100 g de sucre maximum, après test, on peut baisser à 50 g ; de toutes façons, vaut mieux en rajouter si besoin car en retirer est impossible ^^
- 70 g de jeunes pousses de prunellier (les bouts des nouvelles branches) souples, sans épines et vert clair, hachées grossièrement. L'aide des ciseaux suffit, il n'y a pas de bois.
La recette :
- Chauffer (juste un peu) un verre de vin afin d'y dissoudre le sucre.
- Dans un grand bocal à couvercle, mélanger tous les ingrédients, remuer, boucher.
- Agiter chaque jour avec une pique en bois.
- Au bout de 8 jours, prélever une cuillerée de liquide et le goûter : Si le parfum d'amande amère est flagrant, c'est parfait, filtrer et mettre en bouteille qui restera au frigo pour l'apéro !
- Attention, d'un goût très agréable à une forte amertume il n'y a parfois qu'un jour d'écart. Donc on taste chaque jour après une semaine de macération.
A NOTER : La macération peut durer jusqu'à 3 semaines, cela dépend de l'âge des pousses : Plus elles sont jeunes et plus la sève se répandra vite dans le liquide.
Un mot sur la saveur :
Dire que j'ai été séduite, le mot est faible... Dans ma tête ce fut cash JE DOIS EN FAIRE !
Le goût hésite entre cerise noire et amande amère, j'ai tout bonnement adoré.
Divine Troussepinette (merci Jacquote d'en avoir parlé un jour), je posterai la photo finale bientôt...
Et si vous voulez en faire 5 litres d'un coup, dites-le moi, je donnerai les proportions pour ce volume.
05:03 Publié dans Alcools et Apéritifs, Je cueille, Mûres et fruits "bleus" | Lien permanent | Commentaires (17)
03/01/2017
Liqueur d'estragon
Au début du vingtième siècle, lorsque les femmes se réunissaient pour bavarder autour d'un "gâteau de ménage", il était rituel de servir un petit alcool maison : Vin d'orange, de noix, anisette, liqueur de café ou d'estragon....
Ces breuvages récréatifs portaient alors le nom (un peu faux-cul) de doux péchés d’aïeules.
J'ai découvert la liqueur d'estragon en allant rendre visite à une cousine qui a atteint un âge canonique ^^
J'avoue avoir eu quelques réticences car l'estragon et moi, sommes fâchés depuis très longtemps !
En effet, jeune mariée, j'avais préparé avec fougue un poulet à l'estragon. Hélas, j'avais eu la main très lourde sur la belle aromatique... Si j'avais fait cuire ce pauvre poulet dans une marmite de Pastis, ça n'aurait pas été pire ^^
L'estragon est fortement anisé, il faut l'employer avec parcimonie en cuisson.
Mais utilisé cru... ça change tout ! Il va très bien en macération dans le vinaigre de cidre ou haché au couteau dans une sauce.
La plante est très élancée, élégante et plus on la taille (comme ci-dessus), plus elle s'étoffe.
Si on mâchouille une feuille d'estragon frais, on ressent un mélange subtil de menthe et d'anis.
La chaleur de la cuisson fait disparaître le côté mentholé pour accroître le parfum anisé qui a tôt fait de dominer toutes les autres saveurs... et ceci m'agace au plus haut point !
J'avais donc carrément tourné le dos au bel estragon (jugé cas de divorce ;-) jusqu'à ce que je le déguste en liqueur chez la cousine Marthe qui m'a donné sa petite recette sans se faire prier !!
En cette saison, on trouve de l'estragon poussé sous serre, vendu en barquette dans les supermarchés, au rayon des salades :
INGRÉDIENTS POUR 1/2 LITRE DE LIQUEUR :
-- 20 grammes d'estragon FRAIS
-- 50 cl de Vodka (ou Gin ou Rhum blanc ou tout alcool blanc et neutre titrant entre 37 et 45°)
-- Un éclat de noix muscade (photo de droite)
-- 1/2 gousse de vanille
-- 4 grains de poivre très aromatique
-- 100 g de sucre + un petit verre d'eau = le sirop
Dans un bocal contenant l'alcool, ciseler grossièrement le bouquet d'estragon...
... ajouter la vanille morcelée + le poivre (perso, ce sera du poivre de la Jamaïque pour apporter du fun à ma liqueur)
>> Fermer le bocal, laisser macérer 30 jours en secouant la préparation de temps en temps.
>> Passé ce laps de temps, on fera tiédir un petit verre d'eau pour y faire fondre le sucre : ce sirop (refroidi) sera ajouté dans le bocal. Bien mélanger le tout.
>>> On laissera macérer encore 30 jours. Pour finir, la liqueur sera filtrée et mise en flacon.
Je sais qu'on en sort à peine... mais cette liqueur ayant l'énorme avantage de se bonifier avec le temps, n'ayez pas peur de doubler toutes les quantités afin de la diviser en petits flacons-cadeaux... pour Noël prochain, sa saveur est aussi surprenante qu'originale et rafraîchissante !
Voilà le bocal au bout de 3 jours d'infusion : Le liquide commence à virer vers la couleur ambrée que l'on a vue sur la toute première image. Quant au parfum, je suis très optimiste, il est déjà capturé par l'alcool et ne ressemble à aucun autre.
04:10 Publié dans Alcools et Apéritifs, aromatiques, Film, Fleurs, Noël | Lien permanent | Commentaires (14)